Cela fait un peu plus de 15 années que je me suis installée au Canada. Et c'est avec peine que je vous annonce que mon intégration, je l'ai loupée. Mais, vraiment...
Cela remonte à longtemps...
Lorsque j'emménageai chez la cousine de mon grand-père, à Orléans, en 2005, j'étais convaincue que la majorité des Canadiens parlaient français. Je vous explique.
J'ai grandi avec Radio Canada. Sur cette chaîne, on ne parlait que français. Et vu que le nom du pays y figurait, j'ai donc généralisé. Je n'avais aucune idée, mais vraiment aucune, de l'existence de la version anglophone de la chaîne. C'est un peu à ça que Chimamanda Adichie fait référence dans son TEDTalk «The Danger of a Single Story». Mais en sens inverse.
Pourtant, adolescente, j'ai regardé Degrassi. Cependant, je croyais qu'il s'agissait d'une série australienne. Je savais que les dialogues étaient doublés. Je voyais aussi que ce n'était pas une série américaine.
Accusez-moi d'ignorance. Je plaide coupable.
La première fois que j'ai vraiment réfléchi à cette notion d'intégration, c'était à Festi Bière (Gatineau), il y a un peu plus de 10 ans. Nous étions probablement les seuls (Hubs, JF1 —nous en connaissons 3 — et moi) à ne pas chanter à tue tête les paroles de Dégénérations de Mes Aïeux. Et le fait que j'aie eu à utiliser les bons services de Google pour trouver le titre et l'interprète en dit long!
C'est JF1 qui s'est tout de suite rendu compte que nous ne participions pas entièrement à la fête. Avec un fort accent français, il a murmuré: « Nous l'avons loupée, hein, notre intégration! » Hubs et moi avons acquiescé.
J'ai commencé à noter mentalement les fois où une référence culturelle m'échappait, les fois où le nom d'une personne publique m'était inconnue ou que j'ignorais l'appartenance d'un politicien.
Ne parlons pas de cinéma et télé canadienne. 🤦🏾♀️
Il y a quelques années, je parlais immigration avec une collègue. Nous parlions justement d'une situation qui illustrait la manière dont certains immigrants ne « s'intègrent » pas. La personne en question réclamait son droit de faire comme dans son pays d'origine — une demande plutôt banale. À ma collègue de s'exclamer que tous ceux qui viennent ici doivent tout simplement s'adapter. Je lui ai dit que « nous n'immigrons pas pour nous perdre ».
C'est peut-être pour cela que je ne juge pas nécessaire de m'intéresser aux choses qui ne m'intéressent pas pour l'unique raison de pouvoir tenir une conversation. Et si c'est cela louper une intégration. Mettez-moi un 6/20.
La notion de ma déficience en matière d'intégration m'est revenue parce qu'un ami vient de partager avec moi un drame bien juteux entre influenceurs Canadiens et que je vois noir. Je ne connais ni les noms, ni le contexte. Mais le cher Google m'édifiera!
Encore un signe que j'ai loupé mon intégration...🙄
Pourtant, on pourrait voir l'intégration autrement. Comme l'opposer de l'assimilation. Comme une manière de se faire une place dans son nouveau pays sans (trop?) se perdre. Pouvoir vivre, être heureux, et ne pas connaître les paroles d'une chanson que tout le monde chante à tue tête.
Comments