L’histoire a commencé cet été lorsque notre ami Bassam s’est rendu sur la terre natale de ses parents, le Liban, pour la première fois. Les photos qu’il a partagées sur Facebook m’ont coupé le souffle. Il n’avait que des commentaires positifs à faire. Il parlait d’y retourner bientôt. Je lui ai dit que j’irais avec lui.
Une nouvelle destination. Un projet à long terme vu que j’avais déjà planifié mes voyages pour les 2 prochaines années. Un projet qui me tenait à cœur. J’avais même décidé d’utiliser un passeport haïtien pour me rendre en Israël afin de garantir mon entrée au Liban.
C’était sans savoir qu’Alain avait d’autres plans.
Alors que je me préparais pour un séjour de 8 jours en Espagne, il s’est arrangé, assisté de 3 autres acolytes, pour introduire une escapade de 2 jours au Liban. L’un des 3, vous l’avez deviné, n’est nul autre que Bassam. Il a fait des recommandations quant au quartier dans lequel nous devrions choisir un hôtel. Il nous a trouvé un chauffeur et nous a donné les coordonnées d’une cousine vivant sur place. Il nous a même suggéré un itinéraire.
Alain a choisi de prendre un risque. Voyez-vous, je n’aime pas les surprises. Toutefois, son risque était bien calculé : j’avais une forte envie de visiter le Liban.
Au cours de notre dernière soirée à Madrid, j’ai su que quelque chose se tramait. Conversations à voix basse entre Alain et Valéry (acolyte #2). Explication farfelue de Valéry concernant la voiture que l’on devait louer pour faire la route jusqu’à Barcelone. Je savais qu’ils concoctaient quelque chose, mais je pensais au Maroc. « Nous partons pour Beyrouth. Nous ferons une escale de 7 heures à Barcelone. »
Le Moyen-Orient. Un de mes rêves les plus fous.
Je suis tombée amoureuse du Liban — véritable bijou. De ses montagnes. Des rues chaotiques de Beyrouth. De la saveur des mets. Du goût anisé de l’arak qui m’a rappelé un bon fresko siwo blan. De ses bougainvilliers. Du bleu azur de la mer qui borde ses côtes. De la beauté époustouflante des Grottes de Jeita. La splendeur d’Harissa. Le calme d’Aannaya. Des chemins sinueux qui contournent les montagnes et mènent aux petits villages — petits coins de paradis — haut perchés.
Un pays de contrastes. Des voitures de luxe à en perdre le compte. Des quartiers visiblement plus pauvres. Des immeubles de luxe. Des immeubles modestes. Des immeubles vides. Le bloc en face de notre hôtel était complètement vide. La nuit, aucune lumière aux fenêtres. Le jour, aucune personne sur les balcons.
Un pays qui a une histoire veille de plusieurs millénaires. Une histoire marquée par la présence de nombreuses civilisations et de plusieurs forces d’occupation.
Un pays porteur de séquelles d’une guerre civile. Des murs criblés de balles. Des maisons déchiquetées par des obus. Des soldats lourdement armés partout. Un défilé de chars de guerre en plein centre-ville, une véritable démonstration de force qui m’a laissée bouche bée. J’aurais voulu les prendre en photo. Mais ce matin-là un soldat m’avait interdit de prendre sa guérite en photo. Une guérite vide. Alors, il était hors de question de prendre en photo ces chars. Un rappel que la paix de tient qu’à un fil.
Pourtant, je me suis sentie en sécurité en tout temps. Les gens nous regardaient, nous souriaient. Ils étaient curieux de notre provenance. Ils devinaient des pays d’Afrique : le Nigéria, le Ghana. Haïti, ils n’avaient pas l’air de connaître. À l’exception de notre guide à la Citadelle de Byblos. Libano-Canadien vivant à Montréal (il passait des vacances de 2 mois sur sa terre natale), il connaissait des Haïtiens. Son fils, qu’il m’a présenté à la fin du tour, garde aussi de bons souvenirs de ses amis d’origine haïtienne. Il avait dû se faire de nouveaux amis au Liban. Son père, notre guide, a préféré ramener ses enfants adolescents au Liban, histoire d’avoir un peu plus de contrôle. Sa culture, m’a-t-il dit, ne lui permettait pas d’accepter de perdre le pouvoir parental.
Ce qui confirme l’opinion que je m’étais faite des Libanais : ils sont des Haïtiens qui parlent arabe. À défaut de parler la même langue et de partager la même terre, nous avons des valeurs communes.
Pourtant, d’une certaine manière, nous partageons la même terre. Une communauté libanaise est présente en Haïti depuis un siècle, sinon plus. D’ailleurs, à la vue des noms comme « Boulos » et « Saliba » sur les immeubles, je me suis sentie un peu plus chez moi dans les rues de Beyrouth. De plus, certains quartiers de Beyrouth m’ont rappelé Pétion-Ville et Delmas.
Je me suis rapidement sentie à l’aise au Liban. Beaucoup de choses me paraissaient familières. Le dollar américain est roi. Je n’avais en main que des euros — ma destination, c’était l’Espagne. Seul le magasin au Musée national de Beyrouth les a acceptés. La langue française est présente. L’arabe est la langue officielle. Cependant, de nombreux commerces affichent des noms francophones — les noms anglophones sont assez courants. La circulation est chaotique. On respecte à peine les feux de signalisation. Sur les routes à 3 voies, 4 véhicules circulent côte à côte. Les lignes de démarcation des voies ne jouent pas vraiment le rôle qui leur est attribué.
Ce qui a vraiment attiré mon attention est l’aménagement des sites touristiques. Rien n’est laissé au hasard : espaces de stationnement, restaurants, toilettes, magasins de souvenirs. Je mentionne ceci parce que la réputation du Liban est celle d’un pays instable, voire dangereux. Pourtant, ils ont l’air de mettre un soin particulier à leur industrie touristique. Une organisation semblable à celle d’autres destinations plus populaires que j’ai aussi visitées, sinon meilleure.
J’ai bien sûr bâti des châteaux en Espagne (ha!) : vivre là-bas et donner des cours d’anglais et de français, parcourir les rues de la ville au volant de mon Audi 4 anneaux (voir la chanson de l’Algérino), apprendre l’arabe.
Parce que je me suis encore dit que si les bougainvilliers y survivent, moi aussi je pourrais.