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Une nuit aux Cayes, ou la fois où Papa Doudou a raté la dernière okazyon vers Port-Salut


Ce matin, une de mes tantes a partagé cette photo de mon grand-père dans le groupe WhatsApp de la famille. (Ma famille a un groupe WhatsApp… Vaut mieux ne pas commenter LOL.) C’est ainsi que je me suis rappelé l’une des nombreuses aventures que ma sœur et moi avons vécu avec feu notre grand-père, Papa Doudou.

Il devait se rendre à Port-Salut pour gérer les affaires familiales. Lesdites affaires consistaient en quelques carreaux de terres et têtes de bétail qu’il confiait à des membres de la famille élargie. Il se rendait souvent à Port-Salut pour visiter ses terres, récupérer l’argent ou les vivres qui lui étaient dus, et surtout, pour retrouver cette ville qui l’avait vu naître. Depuis longtemps, sa famille s’était installée à PauP. Il demeurait toutefois très attaché à sa ville natale. En général, il voyageait tôt le matin et prenait un bus allant directement à Port-Salut. Cette fois-ci, il avait décidé autrement. Il avait choisi de faire la route avec ses deux petites-filles (Steph et moi). À l’époque, Steph et moi étions les seules parmi ses petits-enfants à vivre en Haïti—il en a eu 12, dont 4 sont nés sur la terre de Dessalines. Il a donc attendu que nous finissions notre dernière journée d’école. Pendant la matinée, il passa prendre notre sac de voyage chez nous. Ainsi, en sortant de l’école nous nous sommes rendus directement à la station d’autobus. (Ma mémoire me fait défaut : la station se situait-elle au Portail Léogane à l’époque?) Je n’avais pas encore 10 ans. J’étais excitée comme une puce. Voyez-vous, j’adorais les fins de semaines chez mes grands-parents : 1) il y avait beaucoup moins de règles que chez ma mère; 2) les enfants du quartier étaient nos amis. En plus, cette fois-ci, nous nous rendions à Port-Salut. Une ville qui, pour moi, était synonyme de liberté. Nous avons pris un autobus en direction des Cayes; les bus vers Port-Salut étaient déjà tous partis. Le plan : une fois aux Cayes, prendre une dernière okazyon vers Port-Salut. Pour moi, c’était le pwogram ultime! Changer d’autobus, ça, je ne l’avais jamais fait avant. Arrivés aux Cayes, les dernières okazyon vers Port-Salut avaient déjà pris la route. Mon grand-père se retrouvait donc avec deux fillettes, aux Cayes, sans plan de rechange. Mais il n’a pas paniqué. Il a pris nos mains et nous a dit qu’on irait passer la nuit chez ses cousines, Yva et Thérèse. Pour les jeunes lecteurs : à l’époque, il n’y avait pas de cellulaires. Il n’avait vraiment aucun moyen de savoir si ses cousines étaient à la maison. Une chose était sûre : elles nous hébergeraient sans hésitation, hospitalité haïtienne oblige.

Les cousines de mon grand-père étaient assises sur la galerie à notre arrivée—ai-je tort de penser que les gens des Cayes aiment beaucoup leur galerie☺. Deux belles vieilles dames élégantes. C’étaient la première fois que ma sœur et moi les rencontrions. Nous avions vaguement entendu parler d’elles auparavant. Elles appelaient notre grand-père Dèdè. Bizarre! Nous nous l’appelions Doudou, Papa Doudou, en fait. Elles nous comblaient d’attention. Steph et moi étions aux anges. Tôt, le lendemain matin, nous avons repris le chemin de la station afin nous rendre à Port-Salut.

J'aurais tant aimé dire que cette aventure m'a appris à ne pas trop faire de plans et à prendre cela un peu plus relax. Malheureusement, de mon Papa Doudou, je n'ai pas hérité ce calme et cette indolence qui frisaient l'insousciance. Au fait, je suis tout le contraire!

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