J'ai un nouveau fournisseur de café haïtien. Je ne parle ni de Rebo ni de Selecto. Lui, il m'apporte un café spécial. Un café de Marigot, petite ville du Sud-Est qui occupe une place particulière dans mon cœur. Un café que sa tante grille, et qu'il pile lui-même. (Guiv, je te salue sur ce track!)
La préparation artisanale du café est, à mon avis, l'une des activités les plus typiques d'Haïti. Un feu de bois ou de charbon réchauffant la chaudière dans laquelle les graines de café passent d'un beige foncé (ou plutôt un brun pâle?) au noir. L'arôme qui s'y dégage. Le sucre brun qui fond lentement auquel on ajoutera les graines fraîchement grillées. Les rires ou les chansons accompagnant chaque geste. Le bruit du pilon qui annonce la dernière étape du processus: le passage de la graine à la poudre.
C'est ma grand-mère, la matriarche, qui s'est longtemps chargée de regarnir les bocaux de la famille (en Haïti, aux USA et au Canada). Au fil des ans, elle en a produit de moins en moins. Personne n'a pris le relais. Nous sommes alors passés aux marques commerciales. An mankan manman, ou tete Grann, comme on dit chez nous (trad. lit: à défaut de sa mère, on tête sa grand-mère). Ô ironie!
Dans ma famille, on boit du café. On le boit fort, avec ou sans lait. On le boit à toutes les heures du jour et de la nuit. On commence à le boire jeune. Très jeune.
Le café haïtien se retrouve sur la liste de tous les dyaspora de la famille.
Les effluves qui échapent de la cafetière font oublier le froid, la course pour attraper le bus, les factures à payer. Véritable potion magique qui nous ramène, le temps d'une tasse, sur notre terre. Le café haïtien a le goût de l'enfance. Il possède la saveur de ces journées commençant avant l'aube.
Le café, j'aime. J'aime en boire assise sur la terrasse d'un café. J'aime bien l'emporter avec moi lorsque je pars à la découverte. Il s'agit alors de café préparé à la chaîne par des personnes sans nom, ni visage.
Mon petit café de Marigot, lui, je le bois à la maison. Lentement. Comme si j'avais l'éternité devant moi. Je le bois, comme on buvait le café chez ma Grann.